Nos équipes sont plus que jamais sur le terrain d’Ebola. Ici une infirmière prenant la température d’un patient potentiellement atteint par le virus au centre Ebola de Guéckédou en Guinée. © Amandine Colin/MSF
Au cours de la réunion de haut niveau sur Ebola organisée par la Commission européenne ce 4 mars à Bruxelles, la présidente de Médecins Sans Frontières, Joanne Liu, a adressé ce message aux dirigeants politiques présents.
Excellences, honorables invités, chers collègues,
Nous ne saurions trop souligner le coût humain de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest : la mort, la peur, l’impact sur les communautés et sur les systèmes de santé.
Malgré la baisse du nombre de cas d’Ebola, nous continuons, collectivement, de faillir à nos obligations envers les malades et envers ceux qui risquent d’être infectés. Le taux de mortalité dans nos centres de traitement reste accablant, autour de 50 %. Ceci est inacceptable. Un plan concret de soutien à la recherche de nouveaux vaccins, médicaments et tests diagnostiques doit être élaboré. Les résultats de cette recherche appartiennent d’abord et surtout aux populations touchées par l’épidémie et nous devons nous assurer qu’ils seront utilisés avant tout dans leur intérêt.
La peur a été un élément majeur dans cette épidémie d’Ebola. Il s’agit d’une réaction normale face à une flambée mortelle et sans précédent. Mais nous devons reconnaître qu’après un an, les efforts de sensibilisation de la population n’ont pas réussi à prévaloir sur la désinformation. Ces activités doivent être améliorées de toute urgence. Dans certains contextes, Ebola est utilisée comme un instrument politique, alimentant ainsi la confusion et la méfiance au sein des communautés.
En Guinée, où la désinformation et la peur sont sans doute plus fortes, les acteurs de l’aide et les équipes médicales sont toujours soupçonnés d’introduire le virus au sein des communautés et font l’objet de violentes attaques. Pourtant, nous avons pu constater dans ce même pays que si la population est correctement informée, il est possible de construire une relation de confiance. Les mesures coercitives, comme les escortes armées pour les équipes mobiles qui sont aujourd’hui envisagées en Guinée, risquent, en revanche, d’alimenter la peur et la méfiance.
L’épidémie d’Ebola ne sera terminée que lorsqu’il n’y aura plus aucun nouveau cas pendant 42 jours. Un seul cas non détecté peut provoquer une nouvelle flambée. Si nous voulons arriver à zéro cas, toute personne ayant été en contact avec un malade d’Ebola doit être identifiée. Or, à l’heure actuelle il n’y a toujours que très peu d’échange d’information sur le suivi des cas-contacts entre les trois pays touchés et les équipes en charge de la surveillance épidémiologique manquent toujours des moyens de base nécessaires pour mener à bien la recherche de ces cas.
La quête des « zéro cas » doit s’accompagner de mesures permettant un accès aux soins sûr pour les personnes souffrant d’autres maladies. L’un des effets dévastateurs d’Ebola a été de décimer le personnel de santé dans les pays touchés. La résurgence de la rougeole au Libéria souligne le besoin urgent de remettre sur pied les systèmes de santé et de rétablir la confiance de leurs bénéficiaires. Les risques de santé publique qui émergent pourraient s’avérer encore plus graves qu’Ebola elle-même.
Les Guinéens, les Sierra-Léonais et les Libériens continuent de faire face aux terribles effets directs et indirects de l’épidémie d’Ebola. Nous ne devons surtout pas crier victoire, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. Nous devons continuer de faire preuve d’engagement, de réactivité et de détermination.
Je vous remercie.
